L'histoire de Gaëlle

Puisque tu demandes des témoignages, je vais te parler de mon histoire à moi, elle n'est pas scientifique. Mon mari était contre la péridurale, car il considère que l'accouchement est `naturel` - et sa mère ne s'est jamais plainte de ses accouchements (Nota : au naturel, certaines femmes meurent en couches...)
A priori je n'étais pas `pour`. J'attendais de voir comment ça se passerait à l'accouchement. J'ai suivi mes cours prénataux, fait de la gymnastique préparatoire en groupe, et reçu des traitements d'acupuncture également préparatoires (tout était fourni par l'hôpital, ou plutôt la clinique).
Au fur et à mesure que le temps approchait, je començais à comprendre que la douleur serait comme les règles, quand elles sont pénibles, rien de particulièrement réjouissant, et qu'il faudrait impérieusement que je sois en forme pour le jour dit (j'espérais qu'il ferait soleil, pas un temps `de vinaigre` où on ne se sent vraiment pas bien). Mon bébé était extrêmement long (bien sûr je ne savais pas), particulièrement le torse : un beau gaillard bien grand déjà quoi, comme son robuste père! Il faisait 55 cm à la naissance, mais peu importe. Comme il était long, il était très bas (tête en bas, une chance!), et ne pouvait pas descendre bien droit. Qui plus est, il avait une tête bien large aussi (c'est familial!).
Quand les contractions ont commencé, c'était le soir - manque de pot - une heure ou deux après que le bouchon muqueux soit sorti. J'avais marché très longtemps - randonnée de montagne!!! - car je voulais vraiment provoquer le bébé un peu... j'en avait hyper-marre, j'étais si fatiguée et surtout je voulais le voir!!!
Bref, je n'ai fermé l'oeil que de 15 min en 15 minutes. La tête du bébé, très basse, poussait et provoquait les contractions. Au matin, nous partons à l'hôpital car je voulais crier!!! et dans mon bloc appartement, avec les fenêtres ouvertes (encore une idée de mon mari),c'était impossible. En plus, il me disait que je l'empêchait de dormir (il est malheureusement au travail à son compte, ce qui fait qu'il ne peut pas se permettre d'être fatigué ou en retartd...). A la clinique, pleines de compassion, les nurses m'offrent de rester... mais comme le col n'est qu'à une minuscule ouverture, on ne me donne pas la salle d'accouchement (je voulais pouvoir crier un peu, ça me soulageait), mais une très petite chambre à trois, avec deux femmes en attente aussi.
Or, je n'ai pas supporté ce sentiment de promiscuité. Une me semblait (dans mon état) une vraie épave qui ne voulait pas aider son accouchement (je sais que je suis dure, mais comme je souffrais, je n'étais pas là pour aider personne) et qui n'avait aucune contraction malgré la perte des eaux - la pauvre, on lui disait d'ailleurs de ne pas marcher, moi oui, car la tête était si bas (aucun danger que le cordon ne se glisse entre les deux...). Elle attendait depuis 24 heures. Je ne me rappelle plus pour l'autre fille, mais c'était encore un autre problème. Aucun mari, évidemment, ni aucune maman n'était là. C`était la zone.
Je remballe mes affaires et repart chez moi (nous habitions encore mon mari et moi dans un logement à une seule salle, soit le bureau de mon mari). Je retrouve mon problème : je ne peux pas crier, mon mari travaille, le téléphone sonne, et moi je veux accoucher!!! Je veux crier, laisser aller, mais je suis pudique, alors je souffre en silence et ça c'est bien pire, car on retient.
Une deuxième nuit comme ça... Là ça fait quand même quelques heures que je suis en contraction (quand même pas tout le temps) mais le plus grave, c'est que j'ai deux nuits blanches et ce n'est pas du tout la forme. Les contractions ne s'arrêtent pas pour autant et c'est là le problème. J'ai envie d'une bonne nuit de sommeil avant de repartir mais le train est en route, il est trop tard.
Au matin je veux repartir à la clinique. Mon mari me dit si tu m'attends, je t'accompagne. Il finit son travail à trois heures. Malheureusement j'ai bloqué en l'attendant et les contractions sont moins fréquentes. Sauf qu'un coup parti, moi j'avais dit à ma mère (à 4000 kilomètres de là) que j'accouchais. C"était trop loin pour la rappeler, elle devait se faire un sang d'encre.
À la clinique, je suis à quatre centimètres et demi (trop tard pour un retour en arrière), on m'envoie marcher pour stimuler un peu le travail. Je marche, j'ai des sueurs de fatigue, ça fait mal toutes les 15 minutes et je comprends que là c'est l'impasse : je n'ai aucune envie de poursuivre, ça fait trop longtemps.
J'ai vu à la clinique : certaines femmes accouchent en six heures, car elles ouvrent très vite. elles souffrent aussi, bien sûr, mais n'ont pas le temps de s'épuiser. Celles qui m'ont semblé les mieux sont celles qui n'ont pas peur de crier. Elles deviennent animales et ça aide à faire passer le temps quoi... (Toujours mon opinion pas trop scientifique).
Fin de l'histoire : je demande la péridurale et refuse les hormones (qui stimuleraient les contractions), estimant que sans la douleur je suis assez en forme pour ramasser toute mon énergie restante, rester réveillée et y aller quoi! Mon mari est contre et je bénis les nurses qui lui expliqent doucement que c'est mon choix et que ça ne nuira pas au bébé tandis que je signe tous les papiers - m'en fous de tout, je suis prête à tous les risques, je suis hyper-marre, kapout, plus capable!!!
Après, c'est le charme : je fais mes respirations, au rythme de mes contractions que je devine. Je prends toutes les bonnes positions (forcément, tu ne sens plus que ça fait mal). Quand la péridurale me drogue trop, au lieu de me laisser aller dans les vapes je me concentre, je mets ma main sur mon ventre pour sentir les contractions et poursuivre le mouvement naturel. En quelques heures, j'ai ouvert d'un centimètre et demi par heure et mon bébé est sorti à la troisième poussée, et moi, j'étais en forme pour le voir!!! Quel bonheur, je flottais sur un nuage de non-douleur, et la douleur ne revient plus après... une fois le bébé sorti... Je le tenais, il était si beau, si parfait, mon mari n'a jamais fait aucun reproche (bébé est né le jour de son anniversaire). On était ébahis, tout, quoi!
J'ai senti trois mois là où l'aiguille était pour la péridurale. Une amie médecin m'a dit que c'était une plaie sous-cutanée et qu'il se pouvait que je ressente une faible douleur (comme de l'arthrite) pour toujours, car le tissu n'est plus jamais le même (même quand c'est bien fait). Mais c'est tous les mois plus faible et n'est rien comparé à l'aide que la péridurale m'a apporté.



Justine Melero

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