Les bras vides...

A mon tour de vous raconter le passage de notre ange, il y a presque une année déjà... seulement...
Après une première grossesse magnifique, cette deuxième ne pouvait que bien se passer, me semblait-il.

Premier contrôle, déjà une surprise: il y a 2 poches, dont une est vide. Dans l'autre, une mini-crevette qui semble aller tout à fait bien. Petit pincement au coeur, je n'avais jamais pensé avoir des jumeaux, et là j'ai passé tout près, ma fois, l'essentiel c'est qu'il y en ait un.
Echo des 12SA, le gynéco prend son temps pour m'expliquer le double test - dire que c'est ma 2e grossesse, et je ne sais RIEN! Mon ancien gynéco ne m'avait strictement rien dit, heureusement que j'ai changé... (cette phrase, j'aurai l'occasion de la répéter souvent). Je me réjouis de revoir bébé, mais le gyné est inquiet, la clarté nucale est beaucoup trop importante, c'est mauvais signe. Il m'envoie immédiatement chez un spécialiste, mais... c'est le mercredi soir veille de l'Ascension, plus personne ne travaille. L'enfer de l'attente commence, jusqu'au vendredi matin où je suis prise en urgence. En effet le pronostic est mauvais, un risque sur 2 de trisomie 18 (bcp plus grave que la trisomie 21, quelques mois de vie si bébé arrive à terme...), donc il me fait une choriocentèse tout de suite. Je reçois les premiers résultats le dimanche matin (merci docteur!), pas de trisomie, et c'est un garçon! Ouf... mais une partie de moi reste inquiète malgré tout, il n'était quand-même pas très enthousiaste, ce médecin.
Effectivement, ce n'est que le début. A l'écho suivante, vers 17SA, il s'avère que la vessie de mon bébé ne se vide pas, et qu'il a donc peu de liquide amniotique. Heureusement le spécialiste me propose d'installer un "shunt", un petit tuyau pour permettre à la vessie de se vider. C'est une opération qui se fait à travers mon ventre, sous anesthésie locale, mais à l'hôpital en salle d'opération. Tout se passe à merveille, j'ai des contrôles toutes les semaines, mais il semble que bébé va bien.
Au moment où je commençais à me détendre et à profiter enfin de cette grossesse, la tuile suivante, une malformation cardiaque. Le médecin s'y attendait, c'est une des explications possibles à la fameuse clarté nucale trop importante. Là encore, tout n'est pas perdu, c'est opérable à la naissance. Mais la situation va s'agraver, bébé aura du liquide autour de ses poumons qui les empêche de se développer comme il faut, et finalement on soupçonne aussi un problème aux reins.
Je suis hospitalisée à Berne pour des examens, qui confirment qu'un rein ne fonctionne pas et que l'autre ne fonctionne pas à 100%. C'est l'heure du choix. Nous pouvons tenter de faire naître notre bébé rapidement par césarienne (je suis à 33SA), et lui faire subir de nombreuses opérations pour essayer de le sauver, ou alors laisser la grossesse se poursuivre en espérant un miracle... et en sachant que bébé risque de mourir in utero. Nous ne voulons pas infliger de souffrances inutiles à notre petit chéri, et comme les chances de réussite des opérations sont plus que minces, nous choisissons de continuer la grossesse. C'est un choix qui nous brise le coeur, mais c'est le moins mauvais, nous semble-t-il.
Le même soir, je commence à avoir des contractions. Comme je suis encore à l'hôpital, la sage-femme du service m'envoie le médecin, qui me jure que c'est un faux travail. La sage-femme est sceptique, moi aussi. Il est alors environ 20h30, mes contractions ne sont pas régulières. Après le changement de garde, à 23h, la nouvelle sage-femme m'examine, dilatation à 2, je vais bel et bien accoucher. Elle me descend en salle. A 1h09 notre petit ange nait. Il ne crie pas et je ne sais pas s'il est vivant. La sage-femme me le met dans les bras et il bouge, donc il vit. C'est le seul mouvement qu'il fera. Il n'ouvrira jamais les yeux, mais il pourra passer les 3 heures de sa toute petite vie dans mes bras et dans ceux de son papa. Comme je sais très bien accoucher vite, mais pas finir le travail, le placenta ne sort pas, et après avoir essayé à la main (aie! pas sympa du tout), le médecin décide de me faire un curetage. Départ pour la salle d'op., anesthésie générale puisque je n'avais pas de péri, c'est urgent il faut stopper l'hémorragie. Je vais perdre ainsi une heure précieuse. De retour en salle d'accouchement, la sage-femme me remet bébé dans les bras et me dit "il a attendu sa maman", et c'est là que je prend vraiment conscience qu'il va mourir. Il s'envolera si doucement que je ne m'en rendrai même pas compte.
Plus tard je le laverai et l'habillerai en regrettant de ne pas avoir acheté d'habits pour lui, ce sera ceux de l'hôpital. Je resterai encore 2 jours pendant lesquels je pourrai garder mon ange avec moi et, quand ce sera le moment (je suis libre de choisir), je pourrai le mettre dans son petit cercueil et lui dire adieu. Et enfin, quitter cet hôpital, le ventre et les bras vides...
Je me rends compte en lisant d'autres témoignages à quel point j'ai eu de la chance d'être bien entourée par un personnel à la fois compétent et infiniment humain. On a pris le temps de toujours m'expliquer et on a respecté tous mes choix.
Plus tard, nous avons récupéré ses cendres et nous les avons enterrées.
Il y a presque une année que mon ange est passé, il me manque tellement. J'essaie d'avancer, de grandir avec cette expérience, pour que son passage ait un sens.